Et la morale ?
Depuis quelques jours la présence, puis la prestation de Fanswa Ladrezeau dans l’émission The Voice font polémique. Beaucoup de personnes, plus ou moins connues, plus ou moins influentes, prennent position pour ou contre la présence d’une personnalité si éminente chez nous, dans l’émission de TF1.
Dans un premier temps, il m’a paru inopportun d’exprimer une réaction publique. Après tout, l’homme avait donné sa position, expliqué la réflexion qui avait été la sienne, mis au grand jour les choix qu’il a fait en conscience. J’estime qu’il serait dangereux de ma part d’émettre un avis public sur ses choix. En effet, faut-il présenter cette musique à un nouveau public ? est-ce à lui de le faire ? Ces circonstances sont elles les meilleurs pour le faire ? Ces questions se posent, mais c’est d’abord a Fanswa Ladrezeau d’y répondre pour lui-même.
Pour ma part j’ai eu à me poser ces questions quand un maire de Guadeloupe m’a demandé de venir déclamer des textes lors du 14 juillet, célébration de la république française, à deux pas du lieu où cette république a perpétré des massacres sur des guadeloupéens.
J’ai eu aussi à me poser ces questions lorsqu’une association à la conception douteuse du mot « créole » m’a invité à dire des textes dans les salons du Ministère de l’Outre-mer. Faut-il aller faire entendre ma différence ? Ou est-ce un jeu de dupes ? Quand est-ce que je satisfait mon égo : quand je n’y vais pas pour endosser le rôle du rebelle ? ou quand j’y vais, déclencher leur colère pour faire de moi un martyr ?
Que dire du Mémorial Acte, imposant dilemme ou la vigueur des expressions authentiques, utiles, importantes se font d’un coté, tandis que l’exposition permanente semble mériter le tombereau de honte et d’indignation qu’elle suscite ? J’y vais ou j’y vais pas ?
A tout le moins, peut-on simplement admettre que cette question n’est pas simple et qu’elle mérite plus que de lapidaires post sur Facebook ?
Je suis fâché
Je ne suis pas fâché contre Fanswa Ladrezeau. J’ai confiance en lui. Je sais qu’il menera sa réflexion et qu’il saura déterminer si il a fait une erreur ou non en y allant. J’espère qu’il sait, que s’il ressent le besoin d’échanger avec d’autres artistes, d’autres personnes engagées, d’autres défenseurs de notre culture, il peut compter sur moi. Je lui donnerai mon avis en privé, d’homme à homme.
Si je suis fâché, c’est contre le site Makrelaj. Je suis indépendantiste de Guadeloupe et je suis fâché contre vous.
Les ancêtres ne sont pas sortis d’Afrique pour déposer le Ka directement dans les mains de Fanswa Ladrezeau. Il a fallu des indépendantistes pour que cette musique soit reconnue, respectée, transmise, défendue. Beaucoup d’indépendantistes ont consacré leur vie à la reconnaissance du peuple guadeloupéen dans toutes ses dimensions, parfois sous les critiques, les invectives du peuple lui-même. Malgré les insultes et les coups, ils et elles se sont battu.e.s pour le peuple guadeloupéen, sa culture, sa langue, sa spiritualité, sa musique et ses arts. Certains d’entre eux y ont laissé leur peau.
Les indépendantistes aussi méritent le respect pour ce qu’ils ont fait pour le Gwoka. Et toi Makrelaj, tu ne daignes même pas donner une place à leur avis ?
A-t-on le droit — indépendantiste ou non — d’être choqué de la comparaison de Fanswa Ladrezeau avec Elvis Presley ? L’un défend sa culture ancestrale tandis que le second s’est approprié la musique noire.
A-t-on le droit — indépendantiste ou non — de trouver douloureusement prévisible cette subordination incessante du noir au blanc, de notre « île » à leur « pays » pour paraphraser Julien Clerc ?
Que l’on ait un avis sur Fanswa Ladrezeau soit. Que l’on ait un avis sur les indépendantistes, soit. Mais quelque soit cet avis, quelque soit le jugement que l’on porte sur leurs actes, quand des hommes et des femmes, dans une incroyable opacité, se font la mission de défendre leur peuple, cela demande notre respect.
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6 Comments
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Je suis complètement d’accord avec votre réaction timalo
, il est temp d’arrêter de critiquer ou limiter ceux qui essaient de perpétrer notre culture . La music est un Art de partage tout comme la peinture ou sculpture. La Guadeloupe et sa culture ne doivent pas être ignorés .
Merci.
La comparaison avec Elvis Presley ne vient pas des médias français mais de l’un des « accompagnateurs » de Fanswa (et musiciens accompagnateurs d’akiyo lors des prestations à la rue Pietonne). J’ignore son nom (locks assez costaud) mais il a dit texto « c’est notre Elvis Presley à nous » juste avant le passage de Fanswa devant le jury de The Voice.
Moi je me dit pourquoi commenter une présentation.. OK François est connu par son mouvement personnel et culturel… Ca aurait pu être une autre personne bien plus discrète…. Je ne comprends pas c est débat c est comparaison.
‘tjr des choses à dire à comparer à essayé de comprendre..’ il y a eu une opportunité… C’est un cadeau du ciel et ça ne regarde que lui… L essentiel c’est de chanter, donner du plaisir au gens, et se faire plaisir à soi même. ‘….le reste on s enfou
Bonjour , pourquoi une polémique ?
Des gens , ont découvert une des musiques traditionnelles guadeloupéenne, , d’autres ont compris que tout est possible ,et OSENT ! S’exposer et valoriser , ne veut pas dire trahir ..,,??!! Pour la comparaison avec Elvis ,et donc ? Par contre si on fait des recherches sur le net , il n’y a pas de biographie ? Est-ce normal ? Il faut taper AKIYO pour découvrir Franswa et d’autres artistes d’ailleurs…C’est normal ? Là on peut polémiquer ..
j’espère que François Ladrezeau a tiré de cette expérience personnelle un renforcement de son estime de lui même, une assise indéboulonnable de son combat de musicien militant culturel. Contrairement à d’autres il a osé questionner sa pratique musicale. Il s’est exposé et il s’est renforcé. Il a prouvé, comme l’avait déjà fait Teddy Pelissier, que le gwo ka était jouable partout,à tout moment, pour toute sorte de musique. Il a prouvé ainsi que le gwo ka venait d’ une souche primitive (dans le sens de première) incontestable.. Seulement lui il l’a dit devant des millions de personnes.
Bon vent et longue vie au gwo ka et woulo bwavo à M. LADREZEAU.