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Se dire créole, pourquoi c’est un sujet ?

Se dire créole, pourquoi c’est un sujet ?

Depuis quelques temps, la question de savoir si il convient de se décrire créole ou non, particulièrement pour les descendants d’esclaves revient sur le devant de la scène. Voici mon point de vue.

Depuis quelques temps, la question de savoir si il convient de se décrire créole ou non, particulièrement pour les descendants d’esclaves revient sur le devant de la scène. L’argumentaire s’appuie sur la définition du dictionnaire. On peut citer par exemple, celle du dictionnaire de l’académie française :

Originellement, personne de famille européenne, née dans une des anciennes colonies des régions tropicales de l’Amérique et de l’océan Indien, et plus particulièrement aux Antilles. Une jeune Créole. Une belle Créole. Adjt. L’impératrice Joséphine était créole. Un planteur créole. Une famille créole.

Si on s’en tient à cette définition, l’on pourrait croire que les descendants d’esclaves auraient grand tort de se dire créole. Le souci c’est que cette définition du nom créole, s’est étendue, par extension, en un adjectif. Les moeurs, les coutumes, les vêtements, les animaux domestiques sont devenus créoles du fait qu’ils appartenaient aux colons, c’est à dire, aux créoles. Et parmi les possessions des colons, il y avait les esclaves. Ceux qui venaient directement d’Afrique étaient appelés des bossales, les noirs nés dans les colonies, étaient appelés des noirs créoles.

C’est ce qui explique la suite de la définition :

Par ext. Toute personne née dans ces régions, quelle que soit son ascendance. Adjt. Un Noir créole, né dans ces colonies et non en Afrique.

 

TiMalo, es-tu créole ?

Non. Ce que je suis, je le choisis. Et donc indépendamment de ce que peut dire une définition du dictionnaire, je suis ce que je choisis d’être. Je choisis les mots, les idées qui posent le cadre de la relation que je veux avoir avec le monde. J’aurais pu choisir d’être antillais, ou créole, mais à mon sens, ces mots sont porteurs d’idées troubles qui ne correspondent pas à ma vision du monde. J’ai donc choisi de poser le mot “guadeloupéen” sur ce que je suis. “Guadeloupéen” c’est une façon pour moi de dire aux autres : quand on parle des guadeloupéens on parle de moi, quand on parle de la Guadeloupe, on parle de chez moi, quand on parle du statut de la Guadeloupe, on parle de mon projet de citoyenneté. Je me sens concerné. Je sais que mon histoire personnelle en Guadeloupe, ce qu’elle a en commun avec celle de certains et de différent avec celle d’autes, me donne un angle de vue particulier sur le vivre-ensemble, les rapports de force dans le monde… Ces points communs et ces différences, je me sens légitime à les poser sur la table et à les confronter aux points de vue des autres guadeloupéens, parce que je suis guadeloupéen.

Guadeloupéen : une culture créole.

Etre ambitieux n’empêche pas d’être lucide. Une énorme part de notre culture est empreint de la main du colon. Le ka est fabriqué à partir du tonneau importé. La morue n’est pas péchée chez nous, et c’est bien la farine de blé qui sert à faire les dombrés à Pâques. Et au-delà des arts, on pourrait remarquer également, notre hiérarchisation en fonction de la couleur de peau, la préférence pour le français dans la parole public, particulièrement quand il s’agit de science, de philosophie ou de beauté. Et il ne faudrait pas oublier d’où nous vient cette confusion entre respect et crainte, entre autorité et violence. Faut-il que la main, la bouche, la langue du colon soit dans tout ?

Refuser de me dire créole, c’est annoncer que je veux un avenir différent. La main, la bouche, la langue du colon n’a plus a être dans tout. Le monde imaginé par le colonisateur doit cesser d’être ma réalité. Refuser de me dire créole, c’est affirmer vouloir une autre Guadeloupe.

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